Nichée dans les hauteurs de l’arrière-pays cannois, à une dizaine de kilomètres de la côte méditeranéenne, Grasse est mondialement connue pour ses parfums. Il est vrai que la ville bénéficie d’un micro-climat extrêmement propice à la culture des fleurs et des plantes aromatiques. Pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas cette caractéristique qui l’a conduite à cette spécialisation. Rien ne serait arrivé si dès le XIIème siècle, une activité de tannerie ne s’était développée autour du petit canal traversant la cité. Ce commerce étant particulièrement malodorant en raison des produits utilisés, l’idée naquit à la Renaissance de parfumer les productions. Grasse devint le spécialiste des gants parfumés et le métier de parfumeur commença à se développer. Bientôt, les environs de la ville se couvrirent de champs de fleurs, au premier rang desquelles le jasmin, la rose, la fleur d’oranger et la tubéreuse. La cité avait pris un nouveau virage.
Des musées à foison
En 2016, les champs de fleurs autour de la ville ne sont plus aussi présents qu’en 1905 par exemple, quand 600 tonnes de fleurs étaient récoltées chaque année. Faute en incombe à l’industrie du parfum, ayant largement délaissé les fleurs comme matières premières, pour des composants chimiques de synthèse beaucoup moins onéreux. Reste que la parfumerie grassoise représente encore 10 % de la production mondiale et emploie quelque 3500 personnes (10 000 de façon indirecte). De grandes marques comme Chanel ne s’y trompent pas, qui possèdent toujours dans la ville ses propres plantations de roses et de jasmins. Sans parler de LVMH qui en 2013, a décidé d’installer à Grasse son atelier vitrine pour initier les responsables de ses boutiques aux fragrances.
Il n’y a qu’à se promener dans les rues parfois médiévales de la ville pour constater cette symbiose avec l’industrie du parfum. Lorsque le vent souffle depuis le village voisin de Bar-sur-Loup où se trouve l’usine d’arômes naturels et articifiels Mane, l’air se remplit de senteurs. Mais surtout, en de nombreux endroits, des sites culturels ou touristiques proposent d’initier les curieux aux secrets de l’emprisonnement de l’odeur des fleurs. Le musée international de la parfumerie, situé en partie dans le centre de Grasse (un conservatoire des plantes à parfum se trouve plus bas dans la plaine, à Mouans-Sartoux) permet de découvrir l’histoire des parfums sous tous leurs aspects (fabrication, matières premières, usages…). La maison Molinard, née en 1849, a conservé en l’état son usine de fabrication et propose une découverte de la parfumerie des années 30. La parfumerie Galimard, fondée en 1747, offre aux amateurs une visite gratuite de sa distillerie ainsi que de sa célèbre « source parfumée ». La parfumerie Fragonard n’est pas en reste, avec sa villa-Musée, riche notamment de magnifiques collections de flacons et alambics.
Jasmin ou mimosa ?
Les personnes peu attirées par la visite des musées pourront de leur côté profiter d’activités plus singulières. Chaque année au début du mois d’août, la traditionnelle Fête du jasmin ravit petits et grands avec la déambulation dans les rues d’une dizaine de chars fleuris, à bord desquels des jeunes filles lancent des fleurs à l’assistance. Sur certains chars, des hommes équipés de lances arrosent la foule d’eau de fleur de jasmin. En hiver, ce sont les dégringolades de mimosas le long des collines qui font chavirer les cœurs, Grasse étant l’une des étapes de la route du Mimosa qui passe notamment par le village pittoresque de Tanneron (aussi connu pour ses fraises). Quant aux voyageurs immobiles, ils pourront se plonger dans le célèbre roman Le Parfum, de Patrick Süskind, dont l’action se situe pour partie dans cette ville de délices olfactifs.